juin 2018

Hausse de la consommation : quelques tendances et des questions

En cette période de soldes d’été, et alors qu’on dépassera dans un petit mois le seuil des ressources naturelles que la planète nous alloue généreusement chaque année, nous avons croisé les points de vue de trois institutions françaises de renom sur les évolutions de la consommation : l’ADEME, le Sénat, et l’INSEE.

Internet entre deux chaises

En 2009, le Sénat a commandé une étude pour évaluer l’impact du développement d’Internet sur les finances de l’Etat. Représentant à l’époque 17 milliards d’euros (4% du marché français), avec des prévisions de croissance très rapide, le e-commerce était à la fois vu comme une menace et une opportunité.

Le commerce traditionnel s’adresse principalement à des clients de proximité alors qu’Internet se construit autour d’une zone de chalandise beaucoup plus large : la France entière. Les commerçants sont dès lors mis en concurrence avec des milliers d’autres, ce qui a pour effet potentiel une baisse significative des prix, et donc des recettes fiscales issues de la TVA.

Une opportunité car cette baisse des prix peut relancer la consommation. Le rapport projetait également un élargissement du marché via ce nouveau canal de ventes où l’offre et la demande se rencontrent plus facilement.

En conclusion, les perspectives étaient plutôt positives pour l’État, l’augmentation de l’assiette globale compensant la baisse des recettes liées à la TVA.

Consommation des ménages, volume et valeur

Cinq ans après, qu’en est-il ? L’INSEE a récemment publié une analyse consolidée de la consommation des ménages entre 2004 et 2014.

Premier constat : les prix sont stables alors que le revenu disponible brut des ménages s’accroît fortement, ce qui accroit mécaniquement le pouvoir d’achat (+1.1%). Quelle part de ce phénomène est imputable à Internet ? L’histoire ne le dit pas. Pour autant, des observations américaines confirment la tendance déflationniste d’Internet.

En France, les données de l’INSEE des dix dernières années montrent que les volumes consommés suivent à peu près l’évolution du pouvoir d’achat : une baisse des prix engendre très souvent une hausse de la consommation. Une tendance particulièrement marquée dans le secteur des « communications » (téléphone, télévisions…) où l’on observe une baisse des prix de 6,5% en moyenne par an pour une augmentation des volumes de ventes de 7%.

Derrière un marché stable en valeur, l’INSEE nous apprend ainsi que les ménages ont globalement consommé plus de biens année après année… Une bonne nouvelle ?

Le renouveau du nouveau

L’augmentation de la consommation de produits n’est pas seulement corrélée à la baisse des prix, comme l’illustre ce rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), centré sur les produits électroniques, qui explore d’autres moteurs d’achat.

Les auteurs cherchent à comprendre pourquoi 88% des téléphones sont remplacés alors qu’ils marchent encore, et convoque pour cela la notion d’obsolescence choisie, qui consiste à considérer « de son plein gré » son appareil obsolète.

S’appuyant sur un sondage auprès de 2000 personnes, l’ADEME met en cause, au-delà du prix, des perceptions sociales et technologiques : acquérir un nouveau téléphone serait à la fois un marqueur social fort et l’assurance que les dernières technologies répondront forcément mieux à nos besoins.

L’ADEME note à regret que la majorité des consommateurs perçoivent très mal les enjeux environnementaux liés au (sur)renouvellement de leur équipement et questionne la part de responsabilité de l’innovation, systématiquement encouragée sur les plans économique et idéologique : « L’injonction d’innovation peut entrer en divergence avec le souhait de préservation des ressources naturelles ».

Outre la nécessité d’améliorer la réparabilité et la modularité des téléphones, le rapport préconise de mieux sensibiliser les consommateurs à la valeur résiduelle de leurs appareils et d’améliorer la performance de la filière de recyclage qui les prend en charge.

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