mai 2019

(bio)Diversité d’indicateurs

Alors que la biodiversité fait de plus en plus parler d’elle, on s’interroge encore sur la façon rendre compte de son état et de nos impacts avec pertinence. Un débat d’indicateurs, en somme.

Premières indications

La biodiversité, c’est le sujet du moment. Et l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) n’y est pas pour rien. En publiant son « Global assessement report on Biodiversity » au début du mois, qui dresse un état des lieux de la biodiversité à grand renfort de chiffres, elle a jeté un sacré pavé dans la marre. Avec ou sans grenouille, la marre ?

Plutôt sans si on en croit les chiffres du rapport. On y apprend d’abord que l’abondance moyenne des espèce locales a diminué de 20% depuis 1900. Cela s’explique par la disparition des habitats (par exemple, 87% des zones humides présentes au XVIIIème siècle ont aujourd’hui disparu) mais pas uniquement : le changement climatique a par exemple affecté la moitié des espèces de mammifères volants.

L’activité humaine devrait souffrir de cette dégradation, 15 des 18 services écosystémiques recensés, comme la pollinisation ou la régulation du cycle de l’eau, étant considérés en baisse. Mais elle en est surtout la responsable : pratiques agricoles non-durables (91% des terres agricoles sont concernées), extraction de ressources (60 milliards de tonnes de extraites chaque année, soit environ 24 kilos par jour par personne, calcul BASIC) … l’activité humaine pèse sur la biodiversité.

De ce rapport, il ressort une myriade de chiffres qui permet de prendre conscience de l’enjeu d’une part, mais également de la difficulté à mesurer de façon simple l’état de la biodiversité et ses interactions avec l’activité humaine.

Un pour tous … ?

Le présent rapport du club B4B+ est un manifeste pour le développement d’un indicateur unique de la biodiversité, qui engloberait tous ses enjeux, à l’image de l’indicateur unique du changement climatique, la « tonne équivalent carbone », dont l’adoption massive a permis une (relative) prise en charge du problème.

Les auteurs du rapport en proposent un : le Global Biodiversity Score (GBS), adapté au périmètre de l’entreprise. Dans cet indicateur, la pression d’une activité sur la biodiversité est quantifiée via 6 composantes intermédiaires : utilisation des terres, infrastructures, empiètement sur les zones naturelles, fragmentation, eutrophisation (dépôt aérien azotés sur les milieux naturels), et changement climatique. La pression totale permet de déterminer l’impact de l’entreprise, qui s’exprime comme un pourcentage d’atténuation de « l’Abondance d’Espèce Moyenne » (MSA), relatif donc à la densité d’espèces sur un territoire donné.

Cela permet ainsi de calculer qu’en 2010, l’activité humaine globale avait dégradé le MSA de 32% par rapport à son état primaire et qu’il devrait l’être de 41% en 2050.

 

Malgré cet effort d’agrégation, nécessaire pour les entreprises, le rapport précise que le GBS n’a pas vocation à se substituer aux indicateurs locaux, qui sauront toujours mieux rendre compte des spécificités de la biodiversité sur le un territoire donné.

… ou tous pour un ?

Du côté de l’ADEME, on fait d’ailleurs le choix opposé d’utiliser plusieurs indicateurs complémentaires plutôt qu’un unique. En effet, en travaillant sur la mesure des impacts environnementaux de l’agriculture, les chercheurs spécialistes en Analyse de Cycle de Vie (ACV) reconnaissent la complexité d’y intégrer l’enjeu biodiversité, et ce alors que cette méthode est justement faite pour consolider au sein d’une démarche de mesure les différents enjeux environnementaux.

Aussi, pour ne pas négliger des enjeux importants comme la qualité des sols, l’usage des pesticides, des antibiotiques et des antiparasitaires, les chercheurs préconisent clairement de considérer d’autres d’indicateurs complémentaires à l’ACV, parmi lesquels les surfaces en infrastructures agroécologie (prairies naturelles, haies, mares etc.), l’Indicateur de Fréquence de Traitement pour les pesticides, ou encore la Diversité des Familles Cultivées (DFC) qui décrit la diversité des familles cultivées au sein d’une succession culturale.

Pour autant, les recherches continuent car les auteurs perçoivent l’intérêt de pouvoir rendre compte des impacts sur la biodiversité des modes de production agricoles par un seul indicateur consolidé qui puisse être intégré à la méthode ACV.

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