janvier 2018

Human Against The Machine

Depuis les années 1950, les métiers en France se sont progressivement automatisés : particulièrement, les lignes de production industrielles ont vu disparaitre les humains au profit des machines. Cette automatisation s’est accentuée au cours des années 1990 pour aujourd’hui dépasser les frontières du secteur secondaire et toucher le tertiaire.

Cols blancs, les nouveaux cols bleus ?

Le cabinet de conseil français Roland Berger estime dans son rapport de 2014 que les années 2000 ont été un tournant historique où l’automatisation est venue bouleverser des métiers que l’on pensait à l’abri de ces évolutions. S’inspirant d’une étude d’Oxford menée aux États-Unis, le rapport avance que pas moins de 42 % des emplois en France connaitraient un risque élevé d’automatisation, c’est-à-dire que plus de 70 % (!) des tâches pourraient être automatisées d’ici 20 ans. Ce risque élevé touche notamment les emplois intermédiaires : les fonctions administratives ou juridiques en entreprise.

Et au rapport de conclure de façon assez alarmante que les années à venir pourraient être aux cols blancs ce que « la mondialisation et l’automatisation industrielle ont été aux cols bleus dans les années 1980-1990 ».

L’automatisation, vecteur d’inégalités sociales et territoriales

Une étude récente de l’OCDE s’est attelée à la tâche d’une évaluation plus fine des métiers exposés à l’automatisation et vient nuancer le propos. Cette étude estime quant à elle qu’une part très faible des métiers serait entièrement automatisable : ainsi, ce serait 9 % des employés au sein de l’OCDE qui pourraient voir à termes 70 % de leurs tâches automatisées.

Mais nous ne sommes pas tous égaux face aux risques d’automatisation : dans l’ensemble des pays de l’OCDE, 40 % des travailleurs avec un niveau d’instruction inférieur au 2ème cycle du secondaire occupent des emplois ayant un fort risque d’automatisation tandis que moins de 5 % des travailleurs diplômés de l’enseignement universitaire sont dans le même cas. En d’autres mots, ce sont les cols bleus qui ont déjà pris de plein fouet la désindustrialisation des territoires de l’OCDE qui subiront les plus fortes pressions liées à l’automatisation du travail. Et toujours pas les cols blancs.

Les risques d’automatisation ne pèsent pas non plus de la même façon sur tous les territoires et renforcent une hiérarchie inter et infranationale : par leurs choix économiques et les entreprises présentes, les bassins d’emploi sont plus ou moins fortement composés de travailleurs soumis à un risque élevé ou faible d’automatisation.

La demande sur le marché du travail se recompose ainsi : exit (ou presque) les emplois faits de tâches répétitives, welcome les compétences interpersonnelles, d’adaptabilité, de résolution des problèmes… Sur le papier, les emplois de demain seront moins aliénants et valoriseront les capacités des êtres humains. Reste à savoir s’ils seront accessibles à tous…

Des risques accentués pour les pays en développement

Comment pourront s’adapter les pays de l’ASEAN (Association of South East Asian Nations) alors qu’ils sont composés majoritairement de travailleurs peu qualifiés avec un faible niveau d’éducation ? Comme le souligne une étude de l’Organisation internationale du travail (OIT) de 2016, leurs économies sont de plus en plus dépendantes du secteur industriel : au Vietnam ou au Laos, les campagnes se vident, les jeunes ruraux venant grossir les lignes de fabrication industrielle de vêtements et de chaussures, attirés par des salaires meilleurs que les revenus agricoles. Mais si l’on en croit l’étude de l’OIT, cet exode risque pourrait ne pas durer…

Que ce soit pour les industries automobile, textile ou électronique, une des principales menaces qui pèsent sur plus de 12 millions de travailleurs asiatiques peu qualifiés est d’être remplacé par un robot. Rien qu’au Vietnam, ce sont 86% des employés du textile qui risquent de fort de perdre leur emploi au profit d’une machine, dont 70% sont des jeunes femmes.

Dernière mauvaise nouvelle pour les travailleurs de l’ASEAN : les usines fraîchement automatisées ne s’implantent pas dans leur pays mais au plus près des marchés de consommation, notamment européens.

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